Le Canada et la Première Guerre mondiale

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Le Canada, après la Première Guerre mondiale, était devenu un pays fier et victorieux avec un tout nouveau statut dans le monde. Il se retrouvait également en deuil et divisé, transformé à jamais par les efforts sans précédent et les coûts horribles de la guerre.

Un pays fondamentalement transformé

La guerre unit la plupart des Canadiens dans une cause commune, même si l’effort national en vint presque à déchirer le pays. Rares étaient ceux qui s’étaient attendu à la durée du conflit ou au bilan en pertes humaines. Une guerre livrée soi-disant pour la liberté contre le militarisme prussien avait révélé des contradictions difficiles à surmonter, dont le service militaire obligatoire, les promesses non tenues aux agriculteurs et aux syndicats, le taux d’inflation élevé, les divisions sociales et linguistiques profondes et la suspension de beaucoup de libertés civiles. Certaines femmes s’étaient vu accorder le droit de vote, mais d’autres Canadiens – des immigrants récents associés à des pays ennemis – avaient perdu ce droit.

Le gouvernement était intervenu dans la vie des Canadiens à un degré sans précédent, introduisant des politiques qui aboutiraient à un véritable système de protection sociale. Mais il n’avait pas empêché la réalisation de profits excessifs pendant la guerre, les grèves ou les désastres économiques, ce qui conduisit un grand nombre de gens à douter que les Canadiens riches se soient si peu que ce soit sacrifiés. Une participation volontaire massive et sans précédent avait soutenu les troupes outre-mer et on avait prêté à Ottawa l’argent dont il avait besoin pour la guerre. La dette qui en avait résulté après-guerre – environ 2 milliards de dollars – avait surtout été contractée envers d’autres Canadiens, fait qui transforma radicalement la nature de l’économie d’après-guerre.

Politiquement, la guerre fut également un tournant important. Les efforts de Borden pour remporter les élections de 1917 et emmener la nation vers la victoire furent couronnés de succès à court terme, mais divisèrent le pays selon des critères régionaux, culturels, linguistiques et de classe. Les relations entre anglophones et francophones n’avaient jamais été aussi mauvaises, et les accusations de traîtrise contre les francophones et de militarisme contre les anglophones n’allaient pas être oubliées de sitôt. Le Québec serait un désert pour les conservateurs fédéraux pendant la plus grande partie des 40 années suivantes. La position désespérée de Laurier contre la conscription lui valut de perdre les élections et divisa son parti, mais contribua à établir la crédibilité nationale des libéraux, leur assurant une base solide au Canada français, pour les dizaines d’années à venir.

Les syndicats, auxquels leur rôle important dans le soutien à l’effort de guerre avait donné des ailes, réclamèrent davantage de droits, d’abord par des négociations, puis par des grèves. Les agriculteurs étaient furieux contre les politiques agricoles et la promesse non tenue d’Ottawa sur la conscription. Dans la période d’après-guerre, les deux groupes formeraient de nouveaux partis politiques et régionaux puissants.

Autonomie et politique étrangère

La guerre accéléra la transformation de l’Empire britannique, qui devint le Commonwealth, et démontra que la Grande-Bretagne avait besoin, tant militairement qu’économiquement, des dominions autonomes. La plupart des principaux chefs de gouvernement du Commonwealth reconnurent ce fait et virent clairement dans leurs contributions du temps de guerre la voie vers une plus grande indépendance et une plus grande importance dans les conseils impériaux.

Le premier ministre sir Robert Borden orchestra un effort national massif à l’appui de la mère patrie, mais exigea aussi que la Grande-Bretagne reconnaisse les sacrifices du Canada en temps de guerre en lui accordant une plus grande autonomie après le conflit. Le Canada signa de façon indépendante le Traité de Versailles (1919), qui mettait officiellement fin à la guerre, et joua un rôle prudent et discret au sein de la toute nouvelle Société des Nations. L’acceptation de Londres pendant la guerre de réévaluer les accords constitutionnels entre la Grande-Bretagne et ses dominions aboutit au Statut de Westminster (1931), qui établissait officiellement que les dominions avaient la maîtrise de leur politique étrangère. La détermination du Canada à le faire de toute manière avait été évidente lors de la crise de Chanak, en 1922, quand Ottawa insista pour qu’il y ait un débat parlementaire avant d’envisager un éventuel appui à la Grande-Bretagne dans une confrontation militaire avec la Turquie.

Statut sans précédent

En dépit des défis sociaux et politiques de l’après-guerre, la plupart des Canadiens croyaient, à l’issue du conflit, qu’ils avaient fait ensemble des choses importantes et difficiles. Leur principale force de combat au front, le Corps canadien, s’était mérité la réputation d’être une des formations les plus efficaces du front occidental. Leurs généraux et politiciens avaient joué un rôle évident dans la victoire, et le pays lui-même s’était valu un statut international que peu d’observateurs en 1914 auraient pu prévoir.

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