L’eau et le feu

Le 25 juin 2011

Une déflagration de 1,6 km de hauteur. Un tsunami et un violent incendie. Mille six cents immeubles détruits; douze mille endommagés. Des fenêtres éclatées dans un village situé à 100 km de l’explosion. Des milliers de morts et de blessés. Nous viennent tout de suite des images du Japon ou de l’Indonésie. Pourtant, le drame s’est passé chez nous… Retour sur l’histoire d’une catastrophe sans précédent et de ceux qui ont donné leur vie pour tenter l’impossible.

6 décembre 1917. Un matin comme les autres dans le port d’Halifax. Au plus fort de la Première Guerre mondiale, l’activité y est intense : les navires relient l’Amérique à l’Europe dans un va-et-vient constant. Mais à 8 h 43, tout bascule. Deux navires se heurtent. Dans un effort désespéré pour éviter le pire, un homme rassemble un petit équipage et part à la rencontre du pire : incendie, explosion, dévastation. Aujourd’hui, le Musée canadien de la guerre honore leur mémoire.

Voguer à sa perte

Les bateaux chargés de munitions étaient chose courante au port d’Halifax, en 1917 : la guerre faisait rage. En ce jeudi matin du 6 décembre, le navire de secours norvégien Imo quitte le port par le canal gauche; au même moment, le navire de munitions français Mont-Blanc s’y engage, en sens inverse. Mauvaise manœuvre et obstination – aucun ne veut céder le passage – entrainent l’irréparable : les navires entrent en collision.

Rapidement, les vapeurs de benzène entreposé sur le pont du Mont-Blanc se répandent et prennent feu. L’équipage quitte le navire en feu et gagne Dartmouth, alors que les flammes s’emparent de la cale où sont entreposées plus de 2 400 tonnes d’explosifs.

Dans une tentative désespérée d’éloigner le Mont-Blanc du port, le capitaine du NCSM Niobe de la Marine royale canadienne envoie à sa rencontre un bateau à vapeur chargé de le remorquer vers le large. Aux commandes du petit groupe de sept marins volontaires, le maître d’équipage adjoint Albert Charles Mattison, 44 ans. Les hommes tentent d’aborder le navire et d’y fixer un câble permettant de le tirer le plus loin possible du port. À 9 heures, 4 minutes, 35 secondes, le Mont-Blanc est pulvérisé dans ce qui sera la plus importante explosion d’origine humaine au monde avant les essais nucléaires. La déflagration souffle tout sur son passage : le port, la ville, le bateau à vapeur et son équipage.

Image gracieusement fournie par Dix Noonan Webb, Londres

Hommage posthume

Le 18 février 1919, le roi George V a décerné à Albert Charles Mattison, à titre posthume, la médaille Albert Medal for Lifesaving at Sea.Cette décoration, créée en 1866 et nommée en l’honneur du prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, prince consort et époux de la reine Victoria. Elle visait à souligner le courage des personnes ayant sauvé des vies en mer. À partir de 1949, la médaille a été décernée de façon posthume seulement et en 1971 tous les toutes les personnes encore vivantes l’ayant reçue avant 1949 ont été invitées à l’échanger pour la George Cross.

Le Musée canadien de la guerre a récemment fait l’acquisition de la médaille décernée à Mattison. Faite de bronze et d’émail, elle a été acquise pour la somme de 19 000 £ (environ 30 000 $). Cet ajout à la collection vient honorer la mémoire du sacrifice et du courage d’Albert Charles Mattison et de tous ceux qui, comme lui, ont donné leur vie dans l’explosion du port d’Halifax, un événement encore considéré comme l’une des plus terribles tragédies de l’histoire canadienne.