L’art de la guerre

Le 26 juin 2009

L’armée française fut la première à mettre sur pied de véritables unités de camouflage en faisant appel aux artistes qui servaient dans ses rangs : peintres décorateurs ou en bâtiment, charpentiers et plâtriers sortirent volontiers des tranchées pour reprendre leurs pinceaux et leurs marteaux. Taches d’encre sur les vestes, casques aux motifs bariolés, filets pour camoufler les ponts, fausses voies ferrées : tout était fait à la main par ces unités de « trompe-la-mort ».

L’art du leurre

L’influence des techniques cubistes apparaît dans les premiers motifs de camouflage. Picasso dira d’ailleurs, à la vue d’un canon camouflé : « C’est nous qui avons fait ça! ». Altérer l’apparence  d’objets à l’aide de motifs et de couleurs s’est imposé jusqu’à la création de véritables « musées d’art flottants » dont plusieurs ont été créés par des femmes de la Royal Academy of Arts de Londres. Les bateaux étaient peints de couleurs vives et de formes géométriques qui « déguisaient » les bâtiments dans l’espoir de tromper l’ennemi sur leur direction et vitesse  exactes.

La tromperie se répandit tant comme arme défensive que tactique offensive : des têtes de papier mâché posées sur le bord des tranchées permettaient de débusquer les tireurs d’élite trop prompts à attaquer la cible. Faux parachutistes lancés des airs; faux arbres en guise de poste d’observation ou de tir; faux tanks; fausse armée, même : artistes et artisans étaient à l’ouvrage pour créer ses « œuvres » éphémères condamnées à mourir au front.

Quand l’art reprend ses droits

Le camouflage est vite devenu la norme : tout soldat sur le terrain avait sa tenue adaptée au décor environnant. Et avec la guerre du Vietnam, anciens combattants et civils commencèrent à porter l’uniforme camouflage pour protester contre la guerre. Le pas était franchi pour une entrée remarquée et durable dans l’univers culturel.

C’est à Andy Warhol que l’on doit, en 1986, la transformation du motif « Woodland » en véritable œuvre d’art : il en modifia la dimension, la forme et surtout les couleurs pour créer une célèbre série de sérigraphies. Et encore aujourd’hui, les motifs camouflage ont la cote. À preuve, les robes de grands designers tels Dior, Gaultier, Castelbajac. Et que dire des planches à roulettes, des boules de Noël, des canards de bain et des serviettes de table, sinon que la boucle est bouclée : l’art s’est réapproprié sa création.