La deuxième bataille d’Ypres : la première attaque au chlore gazeux

Le 9 avril 2015

Un terrible chapitre de la guerre moderne s’est ouvert le 22 avril 1915, lorsque les troupes allemandes ont relâché 160 tonnes de chlore gazeux au cours de la deuxième bataille d’Ypres. Le vent a entraîné le gros nuage d’un jaune verdâtre au-dessus des soldats alliés qui, sans méfiance, ont été forcés de fuir, étouffant, suffoquant et tombant au front. Étonnamment, les troupes canadiennes et britanniques ont été capables de couvrir le terrain et de stopper la progression des Allemands, si bien que les forces alliées ont fini par remporter la bataille d’un mois livrée à Ypres.

« Cette première attaque dévastatrice au chlore gazeux il y a cent ans a donné le coup d’envoi à la course aux armes chimiques et, en parallèle, à la recherche accélérée de moyens de protection contre les risques d’asphyxie, de dommages aux poumons et de brûlures, notamment aux yeux », souligne Mélanie Morin-Pelletier, Ph. D., historienne spécialisée dans la Première Guerre mondiale au Musée canadien de la guerre et conservatrice de l’exposition Se battre en Flandre – Gaz. Boue. Mémoire.

Le capitaine Francis Scrimger (1880-1937), un médecin de Montréal qui commandait un poste de secours près d’Ypres, a été parmi les premiers à identifier le gaz comme du chlore. Il a ordonné aux soldats de tenir un linge humide sur leur bouche et leur nez, ce qui leur apportait une protection limitée. La bravoure de Scrimger et son dévouement auprès des patients au cours de la deuxième bataille d’Ypres lui ont valu une Croix de Victoria. Cette médaille montrée dans l’exposition fait aujourd’hui partie des collections du Musée.

« “Scrim” ou “Scrimmy”, comme on l’appelait, a servi durant la guerre en Angleterre, en Belgique et en France, et a été élevé au poste de chirurgien en chef à l’Hôpital général canadien no 3, précise Mélanie Morin-Pelletier. En 1918, il a épousé l’infirmière militaire Ellen Carpenter, qui œuvrait avec lui en salle d’opération. Revenu vivre à Montréal pour y exercer et enseigner la médecine après la guerre, Scrimger s’est fait connaître comme l’un des meilleurs chirurgiens du Canada. »

Une nouvelle manière de faire la guerre

Alors que la Première Guerre mondiale faisait rage, les Allemands et les alliés ont tour à tour conçu des armes chimiques et des moyens encore plus efficaces de les déployer. Les grenades lacrymogènes et les bombes chimiques leur permettaient de cibler l’ennemi avec précision au lieu d’attendre des vents favorables qui souffleraient les gaz dans la bonne direction.

Dépourvus de traitements efficaces pour de nombreuses blessures infligées par les gaz, les deux camps s’empressaient de mettre au point un équipement de protection qui faciliterait les combats à travers des nuages de chlore, de phosgène et de gaz moutarde. Les masques à gaz sont passés de simples linges imbibés d’urine à des respirateurs complexes et efficaces.

Les exercices d’entraînement dans des cabanes remplies de gaz ont aidé les soldats à faire face à la nouvelle menace avec plus de confiance. Sur les champs de bataille, la crécelle d’alarme contre les gaz retentissait afin que les soldats mettent les masques à temps pour éviter de respirer les substances chimiques toxiques. Même les chevaux, essentiels pour transporter les fournitures et tracter les canons, en portaient.

« La deuxième bataille d’Ypres a marqué un tournant dans la guerre moderne, observe Mélanie Morin-Pelletier. Les armes chimiques n’étaient pas les plus mortelles auxquelles se sont heurtés les soldats durant la Première Guerre mondiale, mais elles figuraient parmi les plus terrifiantes et traumatisantes. »

L’exposition Se battre en Flandre – Gaz. Boue. Mémoire. est présentée au Musée canadien de la guerre jusqu’au 26 avril prochain.

Image : Le lieutenant-colonel Francis Alexander Coran Scrimger, V.C.
MCG 19940079-097, Collection d’archives George-Metcalf, Musée canadien de la guerre