Histoire, textiles et technologie

Le 26 juin 2010

On sait tous à quel point le passage du temps peut irrémédiablement abîmer un vêtement délicat : jaunissement, déchirures, taches. Alors, imaginez le défi qui se pose lorsque des drapeaux de soie datant du début du XIXe siècle demandent à être restaurés. Mais quand la technologie se met au service de passionnées comme Julie Hughes, restauratrice du textile, et Megan Gruchy, restauratrice adjointe à la Société du Musée canadien des civilisations, des drapeaux en lambeaux retrouvent leur éclat de jeunesse.

Quand l’histoire ne tient qu’à un fil…

En 1838, la Rébellion des Patriotes en est à ses derniers affrontements, avec les batailles de Lacolle et d’Odelltown. Aux côtés de la force régulière britannique, on retrouve le Hemmingford Loyal Volunteers, une unité de milice levée dans le Bas-Canada et dirigée par le Major John Scriver.

En reconnaissance pour leur participation aux combats, les dames d’Hemmingford présentent à l’unité de milice un drapeau régimentaire fait à la main. Ce drapeau sera conservé par la famille Scriver, puis légué à la Société historique du Canada qui le cédera au Musée canadien de la guerre, en 2003.

À son arrivée chez nous, le drapeau n’a pas bonne mine : toute une section tombe en poussière. Mais l’importance de sa conservation ne fait pas de doute puisque, en plus de représenter une unité militaire du début du XIXe siècle, il est l’un des premiers drapeaux à porter le monogramme de la reine Victoria, montée sur le trône en 1837. Un travail de moine s’amorce…

Cure de jouvence UV

Toujours à la recherche de techniques novatrices, économiques, rapides et sûres, Julie et Megan se lancent dans une grande aventure : tester l’impression numérique à l’encre UV sur la crêpeline de soie.

La restauration d’un tel artefact passe par de nombreuses étapes. Le drapeau – ou ce qu’il en reste! –, est d’abord posé sur une base de tissus de soie reproduisant sa taille originale et ses couleurs; une photographie permet ensuite de numériser les sections ayant survécu aux mauvais traitements du temps et de reproduire les parties manquantes. Une fine toile de soie transparente de même taille – la crêpeline –, est ensuite fixée à un cadre plat sur lequel le motif sera reproduit à l’encre UV. Cette crêpeline sera finalement superposée au drapeau et habilement cousue en place, avant que l’ensemble ne soit stabilisé sous une plaque de plexiglas qui le protègera de façon permanente.

Jusqu’à tout récemment, la crêpeline devait être envoyée en Californie pour un tel traitement : une étape coûteuse, longue et plus risquée. À force de recherches, Julie et Megan ont déniché une imprimerie, à Ottawa, qui offrait un service encore plus novateur : plutôt que de passer par les rouleaux d’imprimerie, la crêpeline est posée à plat, sur une table d’impression permettant un travail précis, sans distorsion et à séchage ultrarapide.

Trois cents heures de travail plus tard, le résultat est non seulement concluant, mais fort impressionnant. À un point tel qu’il attire l’intérêt d’autres institutions, canadiennes comme internationales. Et fortes de ce succès, Julie et Megan s’attaquent maintenant à la restauration du second drapeau rattaché au Hemmingford Loyal Volunteers : un Union Jack qui retrouvera sous peu toute sa prestance.

© CMCC© CMCC

© CMCC© CMCC

La restauration des drapeaux du Hemmingford Loyal Volunteers a pu être réalisée grâce à l’appuie des Amis du Musée canadien de la guerre. Vous voulez, vous aussi, sauver une tranche d’histoire? Vos dons, petits et grands, serviront à préserver notre patrimoine national.