Du thé sous les bombes

Le 26 mars 2010

On a tous entendu parler de la dure réalité des populations civiles pendant la Seconde Guerre mondiale, quand rutabagas et topinambours rivalisaient d’impopularité dans les assiettes, alimentation de survie des plus chanceux. Mais quand les rues étaient éventrées, les immeubles en ruine et le gaz coupé, c’est l’estomac vide que les survivants erraient dans les décombres. Jusqu’à l’arrivée du fourgon d’alimentation d’urgence…

Petit camion, grande cause

En 1941, Henry et Edsel Ford décident d’offrir aux Britanniques 450 fourgons d’alimentation d’urgence, sorte de «cantines mobiles» destinées à soulager les victimes des raids aériens. Quelques modifications au modèle Ford E83W permettent d’y intégrer une cuisine rudimentaire : en rehaussant la partie arrière, on peut s’y tenir debout, y préparer l’incontournable thé et transporter bon nombre de repas précuisinés.

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Silhouette emblématique de l’espoir, le petit camion Ford devient vite la planche de salut de nombreux civils, secouristes et militaires. Sillonnant jours et nuits les zones sinistrées, les 450 fourgons parcourent un total de 1 660 022 kilomètres et livrent plus de deux millions et demi de repas le long des routes et plus de cinq millions dans les écoles. Ce sont les concessionnaires Ford locaux qui assurent gratuitement l’entretien de ces véhicules parfois malmenés par des routes cahoteuses.

La guerre terminée, les fourgons d’alimentation d’urgence Fordson se sont évanouis dans la nature, transformés pour d’autres usages, emportant avec eux un important témoignage. Mais quand le Musée canadien de la guerre a mis la main sur l’un d’eux, c’est tout un pan de l’histoire civile de la Seconde Guerre mondiale qui s’est révélé : le côté humain du conflit dans toute sa générosité et sa solidarité.

Les amis de la cantine

On l’imagine, le fourgon d’alimentation d’urgence Fordson no 1, premier camion de la série, ne s’est pas présenté au Musée sous son plus beau jour. Livré aux intempéries pendant de nombreuses années, il avait bien mauvaise mine : la rouille l’attaquait de partout, la peinture s’écaillait, le moteur ne tournait plus très rond. Le remettre en état s’annonçait une tâche colossale…et coûteuse.

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C’est donc en véritables sauveurs que les Amis du Musée canadien de la guerre et leur généreuse proposition ont été reçus : non contents de contribuer financièrement à l’acquisition et à la restauration du véhicule, ils s’engageaient à fournir une main-d’œuvre enthousiaste, déterminée…et bénévole.

Organisation charitable créée pour apporter un soutien au Musée, ses membres mènent des collectes de fonds – ils ont recueilli pas moins de 16 millions de dollars lors de la construction du nouvel édifice –, font de la recherche, sont bénévoles en interprétation ou lors d’événements spéciaux, et comme ce fut le cas ici, n’hésitent pas à se salir les mains pour tirer du néant un important témoin de notre histoire.

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Le 17 février dernier, jour du dévoilement du fourgon Fordson, la fierté se lisait dans le regard de ces hommes qui avaient donné temps et énergie à une cause qui leur était chère. Pendant deux ans, dans un atelier du Musée, ils ont démonté, repeint, réparé et remonté le petit véhicule gris. Le fruit de leur labeur est maintenant exposé en permanence dans la galerie LeBreton, parmi chars et autres blindés, symbole éloquent de la victoire de la solidarité sur l’adversité.