L’île aux 30 000 soldats

Le 26 septembre 2010

Une île au milieu de la Méditerranée. Vous rêvez déjà de vacances, de sable chaud, de soleil et de mer bleu azur, non? Pourtant, les soldats canadiens qui ont servi au sein de la Force des Nations Unies à Chypre ont dû faire face à une tout autre réalité. Le Musée canadien de la guerre vous invite à partager les souvenirs de Casques bleus canadiens ayant travaillé à la longue quête vers la paix.

La « ligne verte »

Chypre est une petite île de la Méditerranée qui fait à peine plus de 9 000 kilomètres carrés; plus petite que l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse! Après une longue histoire d’occupations étrangères, et près de 100 ans sous protectorat britannique, Chypre obtient son indépendance en 1960.

Dès 1964, une crise constitutionnelle crée des tensions entre la majorité grecque chypriote (81 %) et la minorité turque chypriote (18 %); les violences qui en résultent menacent de dégénérer en guerre entre la Grèce et la Turquie. Le gouvernement de Chypre demande alors l’établissement d’une force de maintien de la paix des Nations Unies. Le gouvernement canadien s’engage alors à envoyer un contingent, entamant ainsi la plus longue participation du Canada à une mission de paix des Nations Unies.

L’arrivée des 1 100 soldats canadiens venus rejoindre la Force des Nations Unies à Chypre (FNUC), en mars 1964, permet de rapidement réprimer les incidents violents en patrouillant le long d’une étroite zone tampon entre les forces grecques et turques. Cette zone, appelée la « ligne verte », mesure 7,4 km à son point le plus large, et à peine 3,3 m à son point le plus étroit.

Outre quelques moments de tension, les 10 premières années de présence des Nations Unies à Chypre se déroulent dans une paix relative, la FNUC arrivant à résoudre les disputes locales avant qu’elles ne dégénèrent en conflits dans toute l’île. Mais la situation change en juillet 1974 : un coup d’État soutenu par la Grèce contre le gouvernement de Chypre entraîne une reprise des hostilités à laquelle les Turcs répondent en envoyant 40 000 soldats sur l’île. Les Casques bleus se retrouvent alors en pleine zone de guerre : ils établissent des zones stratégiques sous le contrôle des Nations Unies, évacuent des civiles et tentent de négocier des cessez-le-feu. Pendant les deux mois que durèrent les affrontements, deux Canadiens ont péri et 17 ont été blessés.

Bien que le Canada ait cessé, en 1993, de contribuer à la mission de maintien de la paix, un membre des Forces armées est toujours rattaché à la FNUC qui compte 1 064 personnes, soldats, policiers et personnel civil.

En attendant la paix…

Au cours des 29 années de participation du Canada à la Force des Nations Unies à Chypre, ce sont près de 30 000 soldats canadiens qui ont foulé le sol de l’île de Chypre. Et ils en ont rapporté souvenirs et récits que le Musée canadien de la guerre a décidé de mettre en scène dans un nouveau module intégré à la Galerie 4 – Une paix violente, la galerie de l’exposition permanente qui retrace l’histoire militaire du Canada depuis 1945.

Le module présente des reconstitutions d’un poste d’observation de l’ONU et d’une section de la « ligne verte », ainsi que des artefacts et témoignages oraux de Canadiens ayant servi au cours de cette mission. De tous les récits qui y sont évoqués, celui du soldat Michel Plouffe n’est pas sans bouleverser : en tentant de porter secours à son capitaine blessé pendant la crise de 1974, il est lui aussi victime d’un tireur; une balle ricoche sur son casque et lui brise la mâchoire. Plouffe a recraché la balle, l’a mise dans sa poche et a attendu, avec son capitaine, que les secours les évacuent. Question de bien illustrer la chose, le casque et la balle sont ici exposés. Petit frisson garanti…

Avec l’ajout de ce nouveau module, le Musée canadien de la guerre nous rappelle que la paix est fragile et que l’expérience canadienne de maintien de la paix est souvent loin d’être paisible.