Les arts vont en guerre

Le 26 mars 2011

À une époque où tout un chacun peut s’improviser journaliste de l’instantané, retransmettant par téléphone intelligent le quotidien des conflits armés, on serait tenté de croire que le métier d’artiste de guerre est chose du passé. Pourtant, chaque année, peintres, photographes, écrivains travaillent à documenter et commenter l’expérience militaire, ici comme en zone de conflit. L’exposition Sur le vif – L’art militaire de la Corée à l’Afghanistan nous invite à partager leur vision.

Créer la mémoire
Ne s’improvise pas artiste de guerre qui veut. L’accès privilégié aux sites militaires et aux scènes de conflit, comme on peut l’imaginer, n’est pas chose commune. C’est ainsi qu’au fil des ans, pour faciliter et encadrer cet accès, le Canada a mis sur pied des programmes officiels d’art militaire. Le Fonds de souvenirs de guerre canadiens, créé en 1916 par lord Beaverbrook, ouvre le bal : des artistes britanniques et canadiens, civils pour la plupart, produisent plus de 800 toiles, sculptures, gravures et dessins qui, après la guerre, sont exposés au Canada, à Londres et à New York.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le premier ministre Mackenzie King approuve la création de la Collection d’œuvres canadiennes commémoratives de la guerre qui comptera, en 1946, plus de 6 000 aquarelles, dessins et huiles. Mais cette fois, la majorité des artistes sont recrutés parmi les militaires.

Il faudra ensuite 20 ans pour que naisse le Programme d’aide des Forces canadiennes aux artistes civils (PAFCAC). Créé pendant la guerre froide, ce programme permet à des artistes de passer du temps avec le personnel militaire canadien au pays et à l’étranger. Les activités militaires d’alors – opérations de l’OTAN, missions de maintien de la paix, guerre du Golfe – mènent à la création de quelque 300 œuvres qui seront officiellement peu exposées.

Si le PAFCAC disparut en 1995, de nombreux artistes continuèrent à travailler de façon indépendante dans les zones troubles où s’impliquaient les Forces canadiennes, comme la Croatie, Haïti, le Kosovo et la Somalie. Enfin, en 2001, le ministère de la Défense nationale mit sur pied le Programme d’arts des Forces canadiennes, programme qui célèbre cette année son 10e anniversaire.

Conflits créateurs
Dix ans de création, ça se fête! En collaboration avec la direction Histoire et Patrimoine du ministère de la Défense nationale, le Musée canadien de la guerre a tenu, le 17 février 2011, un symposium intitulé « L’art militaire d’aujourd’hui », Les dix premières années (2001-2011) du Programme d’arts des Forces canadiennes. L’événement visait à donner à des artistes ayant participé au programme l’occasion de parler de leur expérience. Ce symposium a également permis de remettre sous le feu des projecteurs la fascinante exposition Sur le vif – L’art militaire de la Corée à l’Afghanistan, qui présente 64 œuvres réalisées par des artistes qui ont été témoin de l’activité militaire du Canada entre 1946 et 2008.


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La plupart des œuvres réunies dans cette exposition ont été créées dans le cadre du Programme d’aide des Forces canadiennes aux artistes civils ou du Programme d’arts des Forces canadiennes. On peut s’y familiariser avec le regard porté par les artistes sur les événements militaires qui ont marqué notre histoire collective.

Les œuvres présentées se font les témoins de l’implication canadienne dans les conflits armés, du rôle qu’y ont joué les militaires canadiens. Mais ces œuvres nous font également voyager au cœur de la création artistique, offrant un panorama étonnant de l’évolution des techniques picturales et de l’orientation changeante du regard : de la représentation figurative objective aux approches abstraites et subjectives.

Le Musée canadien de la guerre vous offre une dernière chance de découvrir le regard qu’ont posé sur la guerre les Alex Colville, A.Y. Jackson, Gertrude Kearns, William MacDonnell, Allan Harding MacKay et Scott Waters : Sur le vif prendra fin le 20 mars 2011. Mais l’exposition itinérante prendra ensuite la route pour être présentée à Victoria et à Calgary.