Le rideau se lève sur le patrimoine d’une collectivité

Le 1er janvier 2016 Peinture du rideau de scène de Penhold

Lorsque le Musée canadien de la guerre a présenté le rideau de scène restauré de Penhold lors d’une commémoration spéciale le 5 novembre 2015, il s’agissait du point culminant d’années d’efforts pour redonner vie à un objet exceptionnel d’une municipalité située à proximité de Red Deer, en Alberta.

Mesurant 3,7 sur 6,3 mètres, l’immense rideau de scène a été créé pour le Memorial Hall de Penhold, centre communautaire construit par le Women’s Institute de l’endroit afin de rendre hommage à ceux qui avaient servi durant la Première Guerre mondiale. De nombreux soldats du district de Penhold ont été tués ou blessés, ou sont disparus durant la bataille de la Somme en 1916, ce qui explique la scène emblématique peinte sur le rideau.

La basilique d’Albert et la Vierge dorée

Les créateurs du rideau, Arthur England et Harold Haste, eux-mêmes d’anciens combattants ayant servi lors du conflit, ont représenté les ruines de la basilique Notre-Dame de Brebières d’Albert, en France, et la statue de la Vierge dorée, qui demeurait en équilibre précaire au sommet de la flèche de l’édifice religieux et que les soldats alliés pouvaient apercevoir en se dirigeant vers les champs de bataille de la Somme. Nombreux étaient ceux qui croyaient que la guerre prendrait fin lorsque la Madonne tomberait, mais malgré sa chute durant l’offensive allemande du printemps 1918, les combats se sont poursuivis pendant six mois.

Le rideau revêt une importance historique supplémentaire pour Penhold en raison de la multitude de noms, de dessins, de blagues et d’autres inscriptions qu’on trouve au dos, témoignages des nombreux spectacles théâtraux et musicaux, locaux et itinérants, qui ont été produits au Memorial Hall au fil des ans.

La restauration d’un pan d’histoire

Après avoir été suspendu dans la salle du Memorial Hall pendant plus de 40 ans, le rideau a été décroché durant les années 1960 et oublié jusqu’à ce qu’il réapparaisse lors de rénovations en 2004. En 2006, la ville a donné le rideau au Musée canadien de la guerre, où une équipe, dirigée par la restauratrice Anne Macdonnell, et le préparateur à la restauration d’artefacts, Michael Miller, a commencé à remettre en état l’œuvre fragile.

« La taille du rideau a constitué un réel défi, affirme Anne Macdonnell. Juste pour l’examiner, nous avons dû poser par terre de grandes feuilles de plastique et dérouler le rideau lentement de façon à ce que l’œuvre peinte soit visible. Puis, nous avons placé d’autres feuilles de plastique sur le dessus et roulé le rideau sur lui-même pour pouvoir accéder au dos. Mais nous n’avons même pas pu le photographier avec précision à cause de l’angle. »

Le Musée a ensuite retenu les services de la compagnie Legris Conservation pour exécuter les délicats travaux de restauration.

« Le rideau nous est arrivé en très mauvais état, sale et taché, en partie parce que la peinture était un mélange hydrosoluble de pigments et de colle animale, signale David Legris. Après avoir stabilisé le tissu, nous avons passé l’aspirateur sur ses deux côtés, nous l’avons nettoyé avec des éponges en caoutchouc vulcanisé et nous avons même employé des scalpels pour enlever la saleté durcie. »

Legris a passé quatre mois à réparer les dommages causés par l’eau et la moisissure, à raccommoder les déchirures et à retoucher avec soin les couleurs vives, tout en veillant à ce que les travaux réalisés sur un côté ne soient pas visibles de l’autre. Il a laissé un trou intact, celui qui se trouve au centre du rideau et par lequel les acteurs avaient l’habitude de regarder l’auditoire.

Entre-temps, Miller a conçu un système d’accrochage en modifiant un dispositif de levage de toile de fond en aluminium, comme ceux qui sont utilisés sur les plateaux de tournage. Un mécanisme à manivelle télescopique déroule le rideau tout en le soulevant par le haut, ce qui permet de voir l’objet plus facilement de chaque angle.

« Ce projet a été extrêmement intéressant et difficile, de conclure Anne Macdonnell. Tout le monde a accompli un excellent travail. »

Soulignons que le Musée canadien de la guerre a été en mesure de restaurer le rideau de scène grâce au généreux don de 60 000 $ versé par M. Steward Ford, un homme d’affaires de Penhold, en Alberta. Le rideau restauré est exposé au Penhold Multiplex pour quelques mois.

Image : Le rideau de scène de Penhold après sa restauration. Musée canadien de la guerre, MCG 20060166-001