Le défenseur méconnu du Canada

Le 21 décembre 2016

L’Amérique du Nord vit en paix depuis très longtemps — mais cela n’a pas toujours été le cas.

Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, la Grande-Bretagne et la France se sont affrontées à de nombreuses reprises, souvent pour des colonies dispersées dans les Caraïbes, dans le but d’imposer chacune leur suprématie sur le continent.

Les îles étaient convoitées tant pour leurs plantations de cannes à sucre et leurs distilleries de rhum que pour leur importance stratégique. Jalousement défendues par les deux pays, un grand nombre d’entre elles ont changé plusieurs fois de main pendant les guerres napoléoniennes, de 1803 à 1815.

Parmi ces îles convoitées figure la Martinique, lieu de naissance de la première épouse de Napoléon, Joséphine. L’île est demeurée française jusqu’à sa conquête par les Anglais, en 1794. Les années suivantes, elle a été reprise par les Français en vertu du traité d’Amiens, signé en 1802, puis reconquise par les Anglais en 1804, avant d’être regagnée par les Français en 1806.

La carrière de sir George Prevost

Natif du New Jersey, le lieutenant-général anglais sir George Prevost a été un soldat de métier avant de devenir un administrateur de colonie. Après avoir été nommé officier dès l’âge de 11 ans, il a rapidement gravi les échelons : il est devenu brigadier-général à 30 ans et a été nommé lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse l’année suivante.

Étant donné que les guerres napoléoniennes entre la Grande-Bretagne et la France faisaient rage dans une multitude d’endroits, la Nouvelle-Écosse s’est sentie menacée. En tant que lieutenant-gouverneur, George Prevost a renforcé les moyens de défense de la colonie et a réorganisé les régiments de sa milice. Fait intéressant, certains des mousquets utilisés par cette milice font partie de la collection du Musée canadien de la guerre.

« Ces artefacts revêtent une grande importance », d’affirmer Eric Fernberg, spécialiste des collections, Armes et technologie, au Musée canadien de la guerre. « Ils constituent un lien concret avec des événements historiques auxquels George Prevost a été mêlé de près. Pendant sa carrière militaire, George Prevost a perçu la nécessité de préparer une défense militaire, d’abord en tant que gouverneur, puis à titre de commandant en chef de l’ensemble des forces anglaises en Amérique du Nord. »

À la fin de 1808, George Prevost a mis le cap sur la Martinique pour aider les Anglais à déloger les Français. Le 30 janvier 1809, plus de 10 000 soldats britanniques, dont 7 000 étaient sous son commandement, ont débarqué sur l’île. Ils ont reconquis la Martinique à l’issue d’une âpre campagne de 20 jours.

La médaille d’or de l’armée

George Prevost a reçu l’Army Gold Medal pour cette bataille. La médaille a été créée en 1810 pour honorer les personnes ayant joué un rôle important dans les victoires militaires anglaises durant les guerres napoléoniennes et la guerre de 1812. Celle qui a été décernée à George Prevost, qui fait maintenant partie de la collection du Musée canadien de la guerre, est le modèle de cinq centimètres de diamètre destiné aux officiers généraux ayant occupé un poste de commandement. La partie inférieure de la tranche (non visible sur la photo), arbore l’inscription « Lieu.t. Gen. L Sir George Prevost »; l’avers montre la figure symbolique de la Grande-Bretagne, Britannia, assise sur un globe terrestre, flanquée à sa droite d’un lion et à sa gauche d’un bouclier orné du drapeau britannique; le mot « Martinique » est gravé sur le revers.

Après la victoire remportée en Martinique, George Prevost a repris ses fonctions en Nouvelle-Écosse. En 1811, il a été nommé gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique, devenant ainsi commandant des troupes pendant la guerre de 1812. Durant ce conflit, son comportement — notamment sa prudence, ses erreurs militaires et même son obsession du raffinement, telle la perfection de la tenue vestimentaire — l’a rendu impopulaire auprès des soldats aguerris qui avaient combattu durant les guerres d’indépendance (1807–1814). Couvert d’opprobre, il a été rappelé en Angleterre en 1815. Il est décédé l’année suivante.

Prevost, défenseur du Canada

L’histoire a toutefois été plus clémente envers George Prevost. Aujourd’hui, il est considéré comme un chef militaire ayant affiché un comportement remarquable compte tenu des circonstances. Il s’est vu attribuer le surnom de « défenseur du Canada ».

« Quelle que soit l’époque, les décisions et les mesures prises par les plus hauts gradés sont toujours scrutées à la loupe, de préciser Eric Fernberg. Si l’on se penche sur l’héritage de George Prevost, on constate — comme l’évoque sa médaille militaire en or — que les fonctions militaires et administratives qu’il a occupées ont joué un rôle important dans l’histoire du pays et ont favorisé l’émergence du Canada en tant que nation. »

Et qu’est-il advenu de la Martinique? Occupée par les Anglais, elle a été reprise par les Français en 1814. Les Anglais l’ont rapidement récupérée, mais seulement pour un court laps de temps, car les Français l’ont reconquise en 1815. Aujourd’hui, la Martinique demeure un département français outre-mer.

Image : Army Gold Medal (grand format), Collection commémorative Tilston de médailles militaires canadiennes
MCG 20150551-001