Des dentistes sur la ligne de front

Le 26 août 2015

Les joues gonflées, un bandage blanc enveloppant sa mâchoire, le lieutenant D.M. Gordon esquisse une grimace tordue, comme le feraient bien des patients ayant subi une chirurgie dentaire. Toutefois, ce militaire de la Seconde Guerre mondiale ne souffrait pas d’un mal de dents ordinaire. Le lieutenant Gordon a été atteint à la mâchoire par la balle d’un tireur allemand embusqué alors qu’il se tenait dans la tourelle de son char d’assaut durant l’invasion alliée de la Sicile en 1943. Sa photo a été prise dans un hôpital de campagne en Algérie, où le major D.M. Tanner, du Corps dentaire royal canadien, a soigné sa blessure.

La photo en noir et blanc fait partie d’une exposition spéciale du Musée, Histoire orale – Un siècle de services canadiens de dentisterie militaire. Tout au long de cette exposition, des artefacts et des images témoignent de l’important travail des dentistes militaires du Canada auprès des soldats et des civils dans les zones sinistrées, de la Première Guerre mondiale à nos jours.

« L’idée à l’origine de l’exposition était de dresser un portrait d’hier à aujourd’hui de la dentisterie militaire, précise le conservateur John Maker, Ph. D. À partir des photos affichées sur des panneaux et des objets d’art militaire exposés au centre, je souhaitais créer un pont pour faire ressortir le travail des dentistes militaires en 1915 et ce qu’il est devenu aujourd’hui. »

Hier : dans les tranchées

Pour les besoins de l’exposition, on a reconstruit une clinique de campagne de la Première Guerre mondiale. On y montre les instruments qu’utilisaient les dentistes pour soigner de graves caries et des nécroses des gencives, dans les conditions insalubres des tranchées. Un fauteuil dentaire pliable en bois et en cuir, accompagné de sa malle de transport en bois, et un coffre en bois assorti contenant des moules dentaires, de la cire, des instruments et un nécessaire de stérilisation permettent de se représenter le travail des dentistes qui se rendaient sur le front pour soigner des patients.

Aujourd’hui : le secours aux sinistrés

Directement à l’opposé, une clinique dentaire moderne aérotransportable expose l’équipement de pointe que déploient aujourd’hui les Forces canadiennes dans les régions sinistrées ou les zones de guerre. Ces modules — entièrement équipés et comportant une génératrice, une fraise électrique, une seringue à air, un appareil de radiographie, un ordinateur portable et d’autres outils typiques des dentistes — ont servi en Bosnie-Herzégovine, en Haïti, en Afghanistan et dans le Grand Nord canadien.

L’art de la dentisterie

Accrochée entre les sections d’hier et d’aujourd’hui, une immense reproduction de la toile Traitement dentaire nO 2 de Bruno Bobak, artiste de la Seconde Guerre mondiale. L’œuvre dépeint deux dentistes en blouse blanche en train de soigner un soldat à l’arrière d’une camionnette équipée comme une clinique dentaire mobile, avec, en arrière-plan, les tentes d’un campement militaire.

« Cette toile est empreinte de prosaïsme, observe M. Maker. Elle illustre la vie au quotidien, tout en donnant une idée de la vaste et complexe société canadienne de soldats, bien établie en Grande-Bretagne durant la Seconde Guerre mondiale. »

Bien que l’on tienne souvent pour acquise la présence des dentistes, la vision d’une blouse blanche de dentiste en temps de guerre ou lors d’une catastrophe est bienvenue, et la clinique, qu’elle soit baraquement, camionnette ou système aérotransportable, est un sanctuaire de paix au milieu de la dévastation.

L’exposition Histoire orale — Un siècle de services canadiens de dentisterie militaire est présentée jusqu’au 1er novembre à la galerie LeBreton. Une exposition réalisée par le Musée canadien de la guerre en partenariat avec le Corps dentaire royal canadien pour souligner ses cent ans d’existence.

Image du haut : En 1943, un tireur d’élite a ouvert le feu sur le lieutenant D.M. Gordon, alors que celui-ci se tenait debout dans la tourelle de son char d’assaut dans un village de la Sicile. Le lieutenant Gordon a été évacué vers le service dentaire d’une base militaire en Algérie, où il a été soigné par le major D.M. Tanner du Corps dentaire royal canadien. Photo reproduite avec l’aimable permission de la Direction – Histoire et patrimoine de la Défense nationale

Image du bas : Sans électricité, les dentistes utilisaient des fraises à pédale durant la Première Guerre mondiale. Les interventions effectuées au moyen de ces instruments étaient plus longues et plus douloureuses parce que la fraise à pédale tournait moins rapidement que celle fonctionnant à l’électricité. Prêt du Museum of Health Care at Kingston, en Ontario, Collection Crawford 010.020.064 a-f

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